Deux ans après le début de l’application d’une loi exigeant qu’une fourchette salariale figure sur les offres d’emploi au Colorado, cet État a désormais le plus haut niveau de transparence sur les salaires des États-Unis. Depuis, d’autres États lui ont emboîté le pas (Washington, Californie, Nevada, Maryland, Connecticut, …) et des lois de transparence ont même été adoptées par certaines villes comme New York. Mais sans réelle homogénéité et avec différents niveaux de transparence. Tour d’horizon des mesures chez nos voisins d’outre-Atlantique !

La réponse à une démarche proactive

Dans certains États, comme le Connecticut, l’obligation de transparence ne concerne qu’une réponse à une démarche proactive de la part d’un candidat. Ainsi, une entreprise n’a pas le droit de refuser de lui communiquer la fourchette salariale du poste désiré. Parfois, elle n’est tenue de communiquer ce montant qu’à un stade plus avancé du processus (comme le premier entretien).

L’obligation de partager ses données de paie

En Californie, les entreprises privées de plus de 100 salariés doivent participer à une collecte annuelle de données menée par une agence étatique. Elles y détaillent les salaires versés selon différents critères comme le genre, « l’ethnie » (une information interdite à consigner en France) ou encore l’âge. Une même obligation existe dans l’Illinois.

L’interdiction de demander ses précédents salaires au candidat

Dans plusieurs États, demander l’historique salarial d’un candidat est illégal lors d’un entretien : cela encouragerait à « perpétuer une inégalité salariale » potentielle, explique Helena Almeida, Vice-présidente chez ADP États-Unis.

L’indication obligatoire d’une fourchette salariale sur les offres d’emploi

Au Colorado, l’obligation concerne l’affichage d’une fourchette salariale, des bonus et éventuelles commissions sur chaque offre d’emploi. Dans l’État de Washington, elle comprend également les dispositifs d’assurance maladie ou de retraite. En Californie, cette loi s’applique à toutes les entreprises de plus de 15 employés qui ont au moins un employé. Ainsi, si une entreprise d’un autre État poste une annonce à laquelle pourrait candidater un Californien travailleur en full remote, elle est tenue d’indiquer la fourchette de salaire.

Quels résultats sur la transparence ?

Aspen Tech Labs est une entreprise spécialisée dans la transparence des salaires qui fournit aux candidats des informations sur la compétitivité des offres. Elle a développé un outil pour récupérer les données des différentes offres d’emploi postées dans le Colorado. Selon l’entreprise, le nombre d’offres avec un salaire indiqué est passé de 35% à 61% en février 2023 dans cet État. Derrière, on trouve la Californie (49%), Washington (44%) et la ville de New York (40%), qui ont tous adopté des lois similaires sur la transparence.

Ces États (et cette ville) affichent un taux très largement supérieur à la moyenne du pays, où seules 25% des offres indiquent un salaire. Même si le mouvement global (porté par ces trois États locomotives) va dans le sens de plus de transparence avec une augmentation de 10% de la moyenne nationale des offres avec salaire.

Quel effet sur l’égalité des salaires ?

Il est trop tôt pour tirer de conclusions, même si l’étude menée par Aspen indique … une chute globale du niveau de rémunération par heure. Ainsi, le salaire médian par heure indiqué dans les offres au Colorado est passé de 28,85$ à 27,40$. Mais, selon les analystes, il s’agit d’un effet lié à une augmentation du volume des offres d’emplois publiées avec l’indication du salaire : jusque-là, le salaire était surtout indiqué pour les postes les mieux rémunérés.

Désormais, ce sont les métiers du secteur de la santé qui sont les plus transparents dans leurs annonces : ce sont des postes qui ne dépassent pas les 30$/heure contrairement aux métiers de l’IT, qui étaient jusque-là les plus transparents et dont les salaires médians sont supérieurs à 50$ par heure.

Quel intérêt pour les employeurs ?

Si cette transparence permet aux travailleurs de négocier un meilleur salaire et de choisir plus simplement une entreprise dans laquelle postuler, c’est également un outil à ne pas négliger pour les entreprises. « Si vous débutez une activité ou ouvrez une boutique dans un nouvel endroit par exemple, vous saurez facilement combien vous devrez débourser pour attirer et recruter des talents », explique un responsable des ventes d’Aspen.

Faire preuve de transparence permet également de recruter plus facilement : 1/3 des Américains à la recherche d’un emploi n’iront pas jusqu’à l’entretien s’ils ne connaissent pas le montant du salaire selon une étude de la Society for Human Resource Management.